MIAMI, 26 Juin – Tous les souvenirs remontent en masse avec le décès de l’inoubliable accordéoniste de l’orchestre Nemours Jean-Baptiste, Richard Duroseau, à l’âge de 85 ans.
On lit sur l’internet sous la rubrique Opastaff : « Richard Duroseau, pionnier de l’accordéon, virtuose de cet instrument ainsi que du conga, est connu pour sa technique époustouflante, ses brillantes improvisations et sa contribution significative à la musique Compas. Son influence s’étend sur six décennies … ».
Richard Duroseau est l’héritier d’une famille de musiciens : le père Emmanuel Duroseau un pianiste patenté et un professeur de musique ayant tâté du luth, du violon etc. Cette exposition dès son plus jeune âge donne à Richard une connaissance approfondie des structures musicales. Tout jeune il joignit l’orchestre que vient de former un -certain- Nemours Jean Baptiste sous un label totalement improvisé de ‘Compas direct.’
Avec Nemours, le saxophoniste Raymond Gaspard et Richard Duroseau … bonjour ‘Les Trois Dangers’, une musique avec un accent de liberté et qui sonne plus jeune comparée par exemple au Jazz des Jeunes qui a symbolisé la décennie précédente (1940) du Bicentenaire de la ville de Port-au-Prince avec la voix de Lumane Casimir et l’as du tambour Ti Roro …
Un moment inoubliable a été le retour de son premier voyage à New York de l’Ensemble Nemours Jean Batiste et les festivals du samedi au Rex Théâtre … Et soudain une jeune fille au teint clair d’une grande beauté qui se déchaine au milieu de la foule, protégée cependant par une armée de ‘tontons macoutes’ …
On apprendra peu après que c’est la nana à Jean-Claude !
Baby Doc, futur président à vie d’Haïti, était lors le gros bébé joufflu qu’il ne cessera jamais d’être d’ailleurs.
Mais il faut composer avec la dictature, ce qui nous donne avec Nemours la composition : ‘Si Kouri renmen w’, Antoine Kouri, l’affreux tonton macoute au teint arabe, auquel fait pendant avec l’autre orchestre à la mode, l’Ensemble Weber Sicot, le non moins démoniaque ‘Antoine Fils Aimé’ …
Mais bientôt ces ‘big bands’ passeront eux aussi de mode pour, comme rappelle entre autres notre ami et musicien Jean Jean Pierre qui nous a également laissé cette année, faire place aux ‘mini jazz’, autre terme inventé de toutes pièces : les Shleus Shleus, les Fantaisistes, les Ambassadeurs, les Difficiles etc.
Extrait de « Un panorama de l’histoire de la musique haïtienne » du maestro Jean Jean-Pierre ( Le Nouvelliste, 27 juillet 2020 ).
Explosion des ‘mini jazz’ - au sein desquels se distingueront aussi quelques vrais talents : Gaguy Dépestre, Boulo Valcourt, Tite Pascal, Lionel Volel, Jacky Duroseau, Henri Célestin, Hans Chérubin (Gwo Bébé), Serge Rosental etc. (article signé Jean-Marie Julien).
Nemours disparaitra, ainsi que les autres grands de cette époque dont le regretté Joe Trouillot, celui-ci sera une dernière fois en Haïti pour saluer l’an 2000 dans une tentative sous le président René Préval de faire renaitre le Bicentenaire de Port-au-Prince avec ses lumières et ses jeux d’eau fantastiques.
On constate aujourd’hui à la nouvelle de son décès, à 85 ans, que Richard Duroseau a quant à lui, et l’un des rares, su poursuivre sa carrière jusqu’aux derniers instants de sa vie. En diaspora bien sûr. Nous lisons : « Il continua d’inspirer les audiences, d’honorer par sa présence et son talent des événements comme le ‘Konpa Fèt’ à Brooklyn et pour être lui-même honoré comme en 2007 par la Fondation Canez Auguste pour ses vibrantes improvisations et son habileté à marier la tradition aux meilleures innovations. »
Nous avons aussi aimé cet autre article si riche en souvenirs ainsi que de nostalgie : “Port-au-Prince, avril 1963. Attentat raté sur le fils du président. Réponse du gouvernement : représailles terribles, fermeture des écoles et des universités, jusqu’en octobre prochain. Couvre-feu technique à la capitale : plus personne dans les rues après 22 heures. Les boites de nuit ont du mal à fonctionner, faute de clients.
“Une certaine jeunesse écoute avec assiduité Maurice Duviquet, un Français, et son émission Salut les Copains, à Radio-Haïti. C’est le temps du Yéyé. Beaucoup de musique des USA, de la France, d’Angleterre : le Rock & Roll, le Twist, les Slows. En vedette : Chubby Checker, Ray Charles, James Brown, Elvis Presley, Brook Benton, Johnny Halliday, Sylvie Vartan, Eddy Mitchell, Dick Rivers, Françoise Hardy, les Beatles, etc.”
Plus loin : “les boites de nuit à Port-au-Prince sont vides. Dans quelques bals de salon, les garçons et les filles dansent, de bonne heure, le Rock, le Twist et les Slows de Paul Mauriat, de Fausto Papetti, des Diplomaticos.
“Bien vite, les Mordus se classent parmi les meilleurs, avec Gary Jean-Jacques, guitare; Rosemond Ricot, guitare; Frantz Minuty, basse; Lopez, batterie; Henri Pierre-Noel, piano; Peddy, Carlo Mitton, Reynold Henrys, chanteurs. Nouveau spectacle en décembre 1963 au Théâtre de Verdure Massillon Coicou. Lopez vole la vedette à la batterie en fin de spectacle.