Incendie de l’hôtel Oloffson !

MIAMI, 8 Juillet – Dernière heure : les gangs ont incendié le Oloffson. Précisez : le Grand Hôtel Oloffson tout comme on dit, le Madison Square Garden de New York ou le Ritz à Paris … c’est un lieu symbolique c’est-à-dire classé hors du temps !

Pour Associated Press qui a répandu la nouvelle le week-end écoulé c’est ce bâtiment au style Gothique et Gingerbread, qui veille au-dessus de la capitale haïtienne Port-au-Prince et qui a acquis une réputation internationale.

Bref c’est le plus grand des sacrilèges qui vient d’être perpétré dans notre pays et rien de moins !

Pourquoi les gangs ont-ils incendié Oloffson ? Dans la soirée du samedi 5 juillet écoulé … Vu que tout le quartier (Carrefour Feuilles, Bas Peu de Chose, Place Jérémie etc) est déjà sous leur contrôle depuis pas moins de deux ans.

Est-ce un accident ? Le bâtiment est en bois et tuf, ce qui l’a sauvé d’ailleurs du terrible séisme de janvier 2010 alors que l’hôtel Castel Haïti, bâtiment plus récent de plusieurs étages situé juste à côté, s’était lui écroulé comme un château de cartes.

Incendie provoqué par accident parce que la capitale est aujourd’hui privée d’électricité et les gangs eux aussi font leur cuisine au feu de bois et s’éclairent à la chandelle ?

Ou est-ce qu’il y a eu un ordre formel de brûler Oloffson ? Comme une énième provocation dans un vaste projet actuellement en marche pour faire disparaitre jusqu’au nom même de la capitale haïtienne, Port-au-Prince, chargée de trois siècles d’histoire ?

En abattant l’un après l’autre tous les bâtiments et lieux les plus symboliques, comme l’Hôpital Général et autres, les églises toutes religions confondues, et profitant que le séisme de 2010 avait déjà détruit les deux plus importants : la Basilique Notre Dame et le Palais national.

Nous n’osons en citer d’autres pour ne pas attirer plus de malheurs. Comme dit le proverbe créole : ‘mwen nonmen non w pou m pa detounen w.’

Mais les gangs savent-ils vraiment ce qu’ils font en détruisant le Oloffson, spécialement ? 

Ou ont-ils reçu des ordres … dans le genre : Paris brûle-t-il ? Vous connaissez ?

Car c’est après le Palais national et Notre Dame probablement le bâtiment le plus symbolique de la capitale haïtienne - pour ne pas dire du pays et de son histoire au moins durant le dernier siècle.

Celui où ont défilé les plus grands et les plus ‘famous’ qui nous ont visité.

L’actrice française la plus célèbre de son temps, Martine Carol, qui a choqué les journalistes haïtiens dans une tenue dont on parlera longtemps après.

Mais Oloffson c’est avant tout ‘Petit Pierre’, personnage inventé par Graham Green dans son roman ‘Les Comédiens’, comme on sait une dénonciation de la dictature de Papa Doc … Et Petit Pierre qui lui a été inspiré par nul autre que notre défunt confrère Aubelin Jolicoeur, chroniqueur au journal Le Nouvelliste et très apprécié en ce temps-là parce qu’il était le seul et dans son style bien à lui à pouvoir rencontrer tous ces étrangers, artistes, journalistes et écrivains, dans lesquels un Duvalier, soupçonneux de nature, voyait autant d’espions. Et tout ce monde logeait à la même enseigne : le Oloffson.

Un autre membre du groupe ce fut Bernard Diederich (‘Bernie’) qui dans sa longue série sur la dictature Duvalier nous raconte aussi les aventures qu’il vivra avec Graham Green de l’autre côté de la frontière haitiano-dominicaine avec les ‘camoquins’ comme on appelait les combattants anti-dictatoriaux etc.

Tout comme le décor de Oloffson (unique au moins jusqu’à la naissance de El Rancho Hotel qui vit le jour en même temps que la célébration du Bicentenaire de la ville de Port-au-Prince en 1954) Oloffson fut jusque-là tout naturellement aussi le point de chute pour le célèbre romancier Truman Capote qui ne manqua pas de faire les relations avec la Nouvelle Orléans de ‘sa grand’mère Lorraine’, écrivit une comédie musicale inspirée (tenez-vous bien) des maisons closes (traduisez bordels !) de Martissant très célèbres aussi à l’époque et sous le nom de ‘House of flowers’) … et Truman Capote dont Oloffson figure évidemment sur la couverture de ses œuvres complètes.

Graham Green, Richard Burton et Elizabeth Taylor, Marlon Brando, Hemingway, Mick Jagger etc. tous avec leur nom graffité en souvenir sur la porte de la chambre où ils descendaient chaque année …

Et plus près de nous Dame Emerantes de Pradines, son fils Richard Morse et son groupe RAM qui continueront jusqu’à nous la légende.

Rappelons que l’hôtel fut d’abord la résidence d’un président haïtien Tiresias (Démosthène) Simon Sam, qui régna de 1896 à 1902, donc avant l’Occupation américaine (1915-1934) mais ce ne fut pas moins un autre président Sam (Vilbrun Guillaume Sam) dont les exactions finiront par excéder la population … mais soulèvement qui servira aussi de prétexte aux Etats-Unis pour débarquer sur nos rives.

Les Américains ne manqueront pas d’en profiter aussi pour installer leur hôpital favori dans le futur hôtel.

Et hélas dont l’histoire vient de se terminer le samedi 5 juillet écoulé.

Après cette disparition et ce qu’on vient d’entendre la conclusion s’impose : que l’Histoire d’Haïti désormais ne sera plus la même.

Qui l’a décidé ainsi ?

Quelle conclusion en tirent nos actuels responsables ?

Mais d’abord responsables s’il en est ?

Eh oui …

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 8 Juillet 2025