Rédaction Société VBI
Alors que le pays s’enlise dans une crise sécuritaire sans précédent, un autre foyer d’inquiétude grandit dans le silence presque total des autorités : la Brigade de Sécurité des Aires Protégées (BSAP). Officiellement créée pour appuyer le ministère de l’Environnement dans la surveillance des parcs nationaux et des zones protégées, cette structure s’est progressivement transformée en une milice armée opérant en marge de tout cadre légal clair.

Conçue à l’origine pour protéger les ressources naturelles du pays, la BSAP s’est peu à peu dotée d’un arsenal et d’une organisation quasi militaire. Dans plusieurs régions, ses membres, souvent lourdement armés, érigent des barrages, procèdent à des arrestations et effectuent des patrouilles, des prérogatives qui relèvent normalement de la Police Nationale d’Haïti (PNH).
Aucun texte de loi ne définit formellement leurs compétences ou leur statut. Pourtant, sur le terrain, la BSAP agit comme une véritable force d’ordre parallèle, sans supervision effective de l’État.
Entre soutien populaire et inquiétude
Dans certaines zones comme Mirebalais, Saint-D’eau ou le long de la frontière nord, des citoyens affirment que les agents de la BSAP contribuent à repousser l’emprise des gangs et à sécuriser la région, notamment autour du chantier controversé du canal sur la rivière Massacre. Mais pour d’autres, la BSAP représente un danger croissant. Des témoignages font état d’intimidations, d’abus et d’affrontements impliquant ses membres. Ces derniers se comporteraient parfois comme une police parallèle, imposant leurs propres lois et sanctionnant ceux qui s’y opposent.
Un silence étatique inquiétant
Malgré la multiplication des signalements, aucune initiative concrète n’a été prise par le ministère de l’Environnement dont dépend théoriquement la BSAP, ni par la Primature pour évaluer, désarmer ou encadrer ce corps armé.
« L’État ne peut pas tolérer l’existence d’un corps armé parallèle, encore moins dans un contexte de crise sécuritaire généralisée », estime Julien Samedi, expert en gouvernance publique.
Selon lui, « en laissant la BSAP agir sans encadrement, le gouvernement alimente l’instabilité et sape le peu d’autorité institutionnelle qu’il lui reste ».
Dans plusieurs zones rurales, la BSAP est désormais perçue comme un substitut à la PNH. Ce glissement, jugé dangereux par de nombreux observateurs, menace directement le principe du monopole de la violence légitime, fondement de tout État de droit.
Face à cette dérive, la population appelle à une décision claire : soit la régularisation de la BSAP sous un cadre légal strict, soit sa dissolution pure et simple. Mais jusqu’à présent, le silence du pouvoir central nourrit la méfiance et renforce l’impression d’un État impuissant, voire complice.
Tant que des structures comme la BSAP continueront d’opérer en dehors de tout contrôle civil, la reconstruction d’un ordre républicain en Haïti restera un mirage.
L’incapacité du gouvernement à imposer son autorité face aux groupes armés, qu’ils soient criminels ou institutionnels, illustre plus que jamais l’effritement de l’État haïtien.
Aux dernières nouvelles, un agent de la BSAP affecté à Trou-du-Nord est accusé d’avoir abattu ce samedi 8 novembre 2025, une marchande à la suite d’un différend. Selon les premiers éléments recueillis, l’agent dont l’identité n’a pas encore été révélée aurait tiré une balle en plein front de la victime pour un motif jugé futile.
Jean Gilles Désinord
Vant Bèf Info (VBI)