Face à face Trump et la justice fédérale
MIAMI, 16 Avril – On est au début des années 1980 et celui qu’on appelait lors le boat people haïtien remporta une grande victoire au tribunal sur le gouvernement fédéral américain.
L’avocat qui dirigea aussi brillamment ce procès s’appelle Ira J. Kurzban, allié au Centre des réfugiés haïtiens de Miami de regrettée mémoire comme on dit.
L’argument du gouvernement américain : ces haïtiens ont violé la loi qui interdit de traverser illégalement la mer pour entrer aux Etats-Unis.
L’argument de Me. Kurzban : ils n’étaient pas au courant d’une telle loi, comment pourraient-ils alors la violer ?
Voilà !
Pendant que le gouvernement Reagan dut lancer une grande campagne publicitaire dans l’Haïti de Baby Doc toujours au pouvoir à l’époque : « Allo allo, si vous prenez la mer vous serez arrêtés et refoulés en Haïti », ce fut l’époque du vaisseau des gardes côtes américains nommé ‘Hamilton’ poursuivant partout les ‘pirogues’ de réfugiés ou ‘kantè’ etc.
Mais en retour le gouvernement américain perdit le procès et l’immigration américaine dut remettre en liberté plusieurs milliers de compatriotes qui étaient enfermés dans les camps de Krome Ave à Miami, Fort Allen (Porto Rico), à New York etc.
Aujourd’hui le même dossier migratoire, comprenant aussi des Haïtiens, revient devant les tribunaux aux Etats-unis.
« Une juge fédérale a empêché le lundi 14 avril l’administration du président américain, Donald Trump, de révoquer le statut légal de 532 000 immigrés cubains, haïtiens, vénézuéliens, nicaraguayens.
“La décision de la juge Indira Talwani, de Boston (Massachussetts), est la dernière ordonnance en date contre la volonté de M. Trump de procéder rapidement à des expulsions massives visant, en particulier, les Latino-Américains.
“L’administration Trump a annoncé la fin d’un programme spécial, mis en place en 2023 par le précédent gouvernement du président Joe Biden, qui permettait à des Cubains, Haïtiens, Nicaraguayens et Vénézuéliens de séjourner aux Etats-Unis pour deux ans en raison de la situation des droits humains dans leurs pays. Ce régime a permis à quelque 532 000 migrants d’entrer aux Etats-Unis, à hauteur d’un maximum de 30 000 par mois.
“La juge Indira Talwani a ordonné la suspension d’urgence de l’abolition du programme. Elle estime que l’actuel gouvernement avait agi sur la base d’une interprétation erronée de la loi, la procédure d’expulsion accélérée s’appliquant aux gens entrés illégalement aux Etats-Unis, mais pas à ceux qui y séjournent légalement en vertu de programmes gouvernementaux.”
Comme Me. Ira Kurzban lors du procès dans les années 1980 pour libérer le ‘boat people haïtien’ du camp de Krome Avenue, cette juge fait également appel à ce qu’on appelle une ‘technicalité’, c’est-à-dire ce n’est pas dans les livres mais c’est si évident : ces gens (plus de 500 mille cubains, haïtiens, vénézuéliens, nicaraguayens) ne peuvent pas être considérés comme des illégaux puisqu’ils sont entrés dans le pays en respectant des conditions fixées par le gouvernement américain lui-même.
Mis en place par le président Biden en 2023, ce programme spécial avait pour objectif de répondre à des crises humanitaires dans certains pays latino-américains. Il permettait à des migrants cubains, haïtiens, nicaraguayens et vénézuéliens de séjourner légalement aux États-Unis pour une durée maximale de deux ans.
Ce programme permettait aussi de contourner l’immigration illégale, cela en créant une voie d’entrée nouvelle mais sous le contrôle strict du gouvernement fédéral américain.
La juge Talwani a invoqué une application incorrecte de la loi par l’administration actuelle. La procédure d’expulsion accélérée, selon elle, ne concerne que les individus entrés illégalement aux États-Unis, et non ceux bénéficiant de statuts légaux dans le cadre de programmes gouvernementaux.
Autrement dit, si le gouvernement considère qu’il y a des illégaux dans le cadre de ce programme, il peut les poursuivre mais sur le plan individuel parce que le programme lui-même n’est pas illégal et ne peut pas être condamné en bloc comme le voudrait le président Trump … sur la base apparemment que tout ce qui est né sous Biden est, mauvais !
Est-ce que Trump respectera la loi, celle prononcée par la justice américaine comme le fit autrefois le président Reagan … ou non ?
Nous sommes donc à un important tournant. Quand la politique migratoire devient un véritable champ de bataille entre l’administration en place et la justice …
Par ailleurs nous avons lu quelque part une suggestion parait-il du président Trump : ce serait de renvoyer les mêmes migrants en question dans leur pays d’origine, d’où ils pourraient demander l’autorisation de revenir avec par exemple en poche une offre d’emploi aux Etats-Unis.
Difficile cependant dans le cas des Haïtiens car non seulement leur pays est aujourd’hui un enfer sous le règne des gangs armés … mais le consulat des Etats-Unis en Haïti est fermé depuis longtemps à cause de cette même situation.
Affaire donc à suivre.
Marcus Garcia, Haïti en Marche, 16 Avril 2025