La voix de Mélodie résonne toujours vivante
MIAMI, 12 Mars – Nous remercions tous les confrères ainsi que auditeurs et auditrices qui compatissent après la destruction de nos studios de Mélodie à la Rue Capois par les gangs qui occupent pratiquement en ce moment le quartier du Bas Peu de Chose et ont incendié aussi le bâtiment de Radio Télé Caraïbes à la Ruelle Chavanes; cependant que les auditeurs se rassurent : nous n’avons pas disparu et nous n’allons pas disparaitre.
Comme disait une vieille chanson-ballade américaine : ‘Old soldiers never die, they just fade away’, les vieux combattants ne meurent jamais même s’ils doivent vivre dans la mémoire. Ou disons avec moins de moyens.
En tout cas nous allons continuer à émettre grâce aux multiples moyens que permet Dieu merci, la technologie moderne.
Nous y sommes habitués ayant fait nos premières gammes depuis longtemps déjà. Disons après avoir été envoyé en exil après la rafle par la dictature Duvalier en novembre 1980.
Après de multiples détours c’était pour atterrir à Miami, Florida, juste au moment de la grande vague de boat-people haïtiens, de nos ‘Torturiens’ comme on les appela par dérision.
En tout cas c’est grâce à eux, ces ‘damnés de la terre’ en Haïti, que nous pûmes retrouver nos esprits et nos moyens, nous décidâmes partant d’épouser aussi leur cause, la ‘cause du peuple’ … Avec tout ce que cela implique dans l’opinion, de positif ou de moins positif voire même d’inimitié.
La ‘cause du peuple’, sans plus ni moins, tel fut également le slogan de la radio Mélodie FM quand nous pûmes revenir au pays en 1997 pour reprendre le maillet. On a couvert des moments tantôt les plus positifs comme l’inauguration de la station touristique Labadie … mais aussi le séisme du 11 janvier 2010 qui fit plus de 220.000 morts et quand Mélodie fut miraculeusement la seule station restée en ondes à Port-au-Prince.
Ces dernières années nous ne pouvions pas tenir les dépenses que cela implique avec la carence en électricité et aussi en annonces publicitaires … et nous avons dû réduire notre voilure, notre présence sur les ondes.
Entre-temps aussi de nombreux progrès sont faits en communications … qui nous permettent donc d’être avec vous tous les jours et aussi en ce moment même malgré la destruction mercredi de nos studios principaux à la rue Capois.
Comme nous nous promettons de rester à vos côtés tous les jours, tant que Dieu nous prête vie, comme dit notre créole : ‘jis mayi mi’, car nous sommes sûrs que nous sortirons aussi de ce mauvais pas, tous et toutes ensemble, car nous en avons vu d’autre dans notre pays.
Tenez bon !
Marcus Garcia, Haïti en Marche, 14 mars 2025
RADIO MELODIE PILLEE
Quand volent les sauterelles sauvages
Cet acte barbare contre Mélodie FM est un coup dur pour la liberté d'expression en Haïti. Depuis 1998, cette station a su bâtir une identité forte et un lien profond avec ses auditeurs grâce à ses émissions emblématiques et ses journalistes chevronnés. Aujourd’hui, on voudrait la réduire au silence par la violence aveugle des gangs qui s'attaquent aux institutions démocratiques et aux voix qui portent la vérité.
La question reste entière : pourquoi Mélodie ? Pourquoi ce bastion de l'information et du divertissement a-t-il été pris pour cible ? Qui a lâché ces "chauves-souris" sur la cité ? L'incertitude plane, mais une chose est sûre : cet acte ne peut rester impuni.
Le pillage et la destruction de cette radio ne sont pas seulement une attaque contre un média, mais c’est aussi contre la mémoire collective, contre ces voix qui ont accompagné les auditeurs pendant des décennies. "Le disque de l’auditeur", "Lady Blues", "L’éditorial de Marcus", "Le résumé du matin"… Autant d’émissions qui faisaient partie du quotidien de l’ Haïtien.
Il est essentiel que la société haïtienne, les journalistes et la communauté internationale se mobilisent pour dénoncer cette attaque et exiger des réponses. La liberté de la presse est une pierre angulaire de toute démocratie, et son effondrement ne peut qu'aggraver le chaos actuel.
Mélodie n’était pas seulement une station de radio. C’était une institution, un espace où se sont forgées des voix fortes du journalisme haïtien, des voix qui ont informé, dénoncé, et accompagné le peuple pendant plus de 27 ans. Aujourd’hui, ces mêmes voix sont réduites au silence par la barbarie d’un système gangrené par la violence et l’impunité.
Pourquoi Mélodie ? Pourquoi s’acharner sur un média qui, depuis 1998, n’a jamais dévié de sa mission d’information et d’accompagnement ? Les noms de Bernard et Elsie Ethéart, Marc Aurèle Garcia dit Marcus et Jocelyne Dominique Garcia, Lucien Anduze, Yves Paul Léandre, Smith Griffon, Ruth Océan, Laurie Faustin, Régine Pierre, Raphaël Féquière, Bill Gustave dit Captain Bill, Villette Hertelou, Roosevelt Jean François, Louiny Fontal, Claude Bernard Céant, Jacky Marc, Michèle Kerlegrand, Viergelie Vil, Micheline Ulysse Mathieu, Marijo Louis, Guy Delva, Dominique Batraville, Dominique Richès, Doc Daniel, Patrick Elie, prof Vernet Larose, Dr. Frantz Large (Emission Perspectives), Azor, Sinord, Mario Barreau, Luc Julien, Luc Pongnon et bien sûr Makenzie Jules et tant d’autres, sont tous des témoins de cette longue tradition d’excellence journalistique.
Devons-nous alors chanter "Mprale nan peyi m", à l' émission "Au bon vieux temps" tous les 3 heures PM, à l'époque, comme aujourd’hui une résignation forcée face à la destruction de nos institutions ? Devons-nous dire merci aux assassins qui ont tout pillé, qui ont anéanti en une nuit les sacrifices de toute une génération ? Non. Ce crime ne peut être ni oublié ni accepté.
Ce silence imposé à Mélodie est une attaque contre toute la presse haïtienne, contre la liberté d’expression, contre ce qu’il nous reste encore de démocratie. Mais l’histoire nous a appris une chose : on peut réduire une voix au silence, mais pas un esprit, pas une lutte, pas un idéal. Mélodie FM, au-delà des cendres de cet incendie mis par les malfrats, malgré le deuil, survivra dans le cœur et la mémoire de ceux qui croient encore en une Haïti où l’on informe sans peur, où l’on résiste sans fléchir.
Yves Paul LEANDRE
Ex-directeur de l'information
Mélodie FM (1998-2006)