PORT-AU-PRINCE, 21 Novembre – Vendredi (20 novembre) la manifestation de Fanmi Lavalas allié aux autres candidats de l'opposition anti-Martelly, a été attaquée à Delmas 95, quartier périphérique de la capitale, par des individus dissimulés dans les cours arrières de bâtiments longeant l'autoroute, qui font tomber une pluie de pierres et autres projectiles sur les manifestants dont plusieurs ont été blessés.
Et lorsque ces derniers ont essayé de poursuivre leurs assaillants invisibles, ils furent reçus à coups de machette. On aurait même entendu des coups de feu.
Toute la presse rapporte une même observation : la police faisant la sécurité autour de la manifestation, n'a rien fait pour arrêter les trublions.
Même qu'elle en aurait profité pour hâter la fin de la manifestation qui avait dès lors perdu son momentum.
Conséquences : plusieurs blessés à l'arme blanche chez les manifestants, peut-être un mort, pare-brises cassées et un carambolage monstre qui bloqua pendant plusieurs heures cette voie si fréquentée.
Le chien revient toujours à sa charogne ! ...
Deux jours plus tôt, le mercredi 18 novembre, la police avait ouvert une pluie de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes sur plusieurs milliers de manifestants parvenant devant le siège du Conseil électoral provisoire (CEP) à Pétionville, banlieue de la capitale, blessant entre autres deux candidats à la présidence, Steven Benoit et Moïse Jean Charles.
On pense à la phrase du professeur Leslie Manigat citant l'Evangile : le chien revient toujours à sa charogne !
On se souvient en effet que Michel Martelly est arrivé au palais national en mai 2011 en utilisant les mêmes procédés.
Prendre possession des rues de la capitale par l'utilisation de gangs menaçant de tout briser sur leur passage, dont des medias (spécialement Radio Tele Ginen, aujourd'hui proche du pouvoir en place), mettant le feu au bureau politique du parti au pouvoir, lors INITE, avec pour candidat Jude Célestin, bref fermant la capitale et toute la zone métropolitaine sous la menace.
Et déjà à l'époque sous le regard complice de la police nationale.
PORT-AU-PRINCE, 29 Novembre – La seule réflexion qui vous vient à l'esprit est celle de Hamlet : 'il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark.'
Le peuple nous l'a indiqué depuis 5 années, lorsque retentit le refrain : 'ban m ti vakabon m souple'.
L'élection de Michel Martelly a été reçue dans la population comme celle d'un 'vagabond', en un mot d'une personne qui n'aurait pas dû être à cette place.
D'ailleurs le président élu a semblé même acquiescé à cette description.
D'ailleurs, qu'importe les prédispositions de ce dernier, le mot pourri signifie aussi et surtout ici la fin d'une époque ou d'un cycle, d'un phénomène qui avait été baptisé on ne sait trop par qui de 'processus de transition démocratique'. Cela de la fin de la tyrannie duvaliériste, le 7 février 1986, à date.
Donc résultat des courses : nous avions échoué. La transition est arrivée à sa fin, il y a 5 ans déjà. Et c'est échec et mat !
Pourri !
Dans la Bible, une branche pourrie doit être coupée. Mais de plus, jetée au feu. Disparition totale. Rejetée dans le néant. 'Ban m tè a blanch', vous vous en souvenez. Pour ne plus contaminer ce qui reste.
Voilà donc le message que le peuple nous a adressé lors de l'élection de Michel Martelly, le 4 avril 2011.
Mais nous avons fait semblant de ne rien entendre.
Pas étonnant donc qu'aujourd'hui cela empeste.
MIAMI, 19 Décembre – Les élections haïtiennes viennent seulement accentuer la catastrophe nationale, la chute libre, le gouffre sans fond vers lequel ce pays continue de se précipiter.
Les élections n'ont pas seulement été entachées d'irrégularités et de fraudes, il n'y a pas eu véritablement d'élections que deux journées de pagaille inqualifiable mais programmée et financée à coups de millions (9 août : 1er tour des législatives comme une sorte de répétition générale et le 25 octobre qui a vu les présidentielles, 2e tour des législatives et les municipales).
Un 2e tour pour les présidentielles est fixé au 27 décembre prochain mais dans des conditions potentiellement pires que ce qu'on a déjà vu.
Quiconque a couvert en effet ces deux derniers scrutins et ayant une certaine expérience du terrain, a pu voir de ses yeux vus les dimensions inimaginables de cette farce où tous ont joué leur partition quasiment à la perfection : conseil électoral provisoire, notamment dans le choix des candidats à retenir et à refuser, où tous les arguments sont bons puisque tout ayant été calculé sur mesure ; les centres de vote avec un système d'organisation mais bâti sur une désorganisation elle aussi calculée, qui permet à une foule de soi-disant mandataires et de faux observateurs de faire, dans la confusion, main basse sur les urnes, à la barbe des pauvres membres de bureaux de vote réduits à une présence symbolique, alors que c'est encore eux qui se voient condamner par le conseil électoral pour les irrégularités et fraudes dénoncées par l'opposition ...
MIAMI, 26 Décembre – La presse joue un rôle important dans la conjoncture politique. Mais il ne faut pas non plus qu'elle outrepasse son rôle. Or cela arrive tous les jours, c'est le moins qu'on puisse dire.
Pour la simple raison que la presse est à la fois le moteur et le carburant mais qui se croit aussi le chauffeur. Le spectacle, son organisateur ainsi que le juge. La tribune et le tribunal. Bref, l'alpha et l'omega.
Et trop souvent aussi le mal et son remède, mais qui surtout vu la délicatesse du moment, risque plutôt de le faire empirer.
On ne peut nier que sous la pression de l'analphabétisme (que, hélas, une fois au pouvoir nos hommes et femmes politiques ne font pas assez pour l'enrayer, et pour cause), nous avons glissé pas si lentement mais sûrement de la civilisation de l'écrit à celle de l'oralité ('kreyòl pale, kreyòl konprann', hélas). C'est à qui parlera le plus fort, dans le meilleur des cas qui se montrerait le plus plaisant, ou comme au temps de Molière : celui qui sait habilement mettre les rieurs de son côté. La politique devient une grosse farce, trop souvent grossière. Ce qui nous donne au bout du compte, tenez-vous bien : la civilisation Martelly. Le pouvoir au bout du ... ne soyons pas grossier.
Mieux affiner son approche ...
Cependant aujourd'hui que notre pays se trouve au vu et au su de tout le monde, du savant comme du simple mortel, au bord de l'abîme, sur fond d'une crise électorale aigue, la presse devrait pouvoir mieux affiner son approche car il y va du devenir de toute une nation.
Venons en au fait. Voici différents pièges qui peuvent rendre la communication moins adaptée aux vraies nécessités du moment, moins véritablement utile sinon dangereuse, dans une conjoncture où chaque mot, chaque virgule peut faire la différence.
PORT-AU-PRINCE, 5 Janvier – Opont ou le cave se rebiffe. C'est quelqu'un qui fait tout ce qu'on lui demande puis soudain, quand on s'y attend le moins, décide de résister : se rebiffe.
C'est en effet la première fois que le président du conseil électoral provisoire (CEP) n'est pas sur la même longueur d'ondes que le chef de l'Etat et chef du parti au pouvoir ou Pati Ayisyen Tèt Kale (PHTK), Michel Martelly.
Ce dernier a eu évidemment le choc de sa vie en recevant tard dans la journée de lundi une lettre du président du CEP, Mr Pierre-Louis Opont, lui annonçant que le second tour de la présidentielle n'est pas possible le 17 janvier prochain comme prévu.
Et alors que le président Martelly en faisait déjà son affaire, annonçant lors de son discours du 1er Janvier 2016 aux Gonaïves, 212e anniversaire de l'Indépendance nationale, qu'il se prépare à publier l'arrêté convoquant les élections pour le 17 janvier et patati et patata.
Dans sa lettre frappée du sceau du Conseil électoral, le président Opont ne mâche pas ses mots (aussi étonnamment que cela puisse paraître) :
Le Conseil ... 'a constaté qu'il serait très difficile sinon impossible de réaliser le deuxième tour ... le 17 janvier 2016.'
'En effet, n'ayant toujours pas en main le rapport de la Commission d'évaluation électorale indépendante formée par l'Exécutif d'une part, et d'autre part compte tenu de la non publication de l'arrêté convoquant le peuple en ses comices, 12 jours de préparation ne suffiront pas à compléter l'ensemble des activités préalables à ce scrutin' (ici tenez vous bien) 'même si ladite convocation serait faite en cours de journée.'
Et au cas où le président Martelly ferait semblant de ne pas comprendre, Pierre-Louis Opont renouvelle sa disponibilité pour 'compléter le processus électoral' (mais) 'avec cette évidence de ne pas avoir un président élu le 07 février 2016.' Afin que nul n'en ignore.