PORT-AU-PRINCE, 23 Avril – Avec Martelly, Washington n’est pas seulement l’occupant c’est aussi le père fouettard.
Le président Michel Martelly s’arrange-t-il avec son premier ministre et compère Laurent Lamothe pour ne tenir aucune élection depuis leur arrivée au pouvoir en 2011 afin de mettre le législatif en caducité et les municipalités sous leur contrôle et pouvoir gouverner le pays par décrets c’est-à-dire une dictature de facto à partir du 11 janvier 2015 que le ‘grand voisin’ est obligé d’intervenir pour dire autant ! Sinon on allait droit au casse-pipe.
Le premier ministre Lamothe est mis de côté et le président maintenu plus ou moins en laisse.
Mais personne pour constater qu’y a comme un défaut et qu’il suffit de quelques petits cyniques pour lesquels la Constitution ne vaut même pas du papier hygiénique, et de leurs conseillers internationaux (véritables mercenaires sans feu ni lieu) pour envoyer tous ces principes plus théoriques que tout, y compris nos marxistes primitifs, par-dessus les moulins et rétablir la dictature. Elémentaire !
Dieu merci, ces derniers n’échappent pas eux aussi à la désuétude du système. Et ne font pas mieux.
Washington doit alors se résigner à effacer tout mais, faute d’alternative, plutôt dans le genre : on prend les mêmes et on recommence.
En effet quelle alternative quand l’opposition, ou ce qui se réclame comme tel, elle non plus n’a pas évolué d’un pouce sinon le même ‘rache manyòk banm tè a blanch’, la même table rase qui nous a déjà valu trois décennies de marche arrière depuis la chute de la dictature Duvalier, le mal suprême, en 1986.
Caperton de service …
A peine rentré à Washington après avoir géré la déposition (du moins officielle car rien ne l’empêche de régner toujours dans les coulisses) du premier ministre Laurent Lamothe que le nouveau Caperton de service (l’Amiral Caperton qui avait commandé les troupes d’occupation américaine d’Haïti / 1915-1934) doit se précipiter à nouveau à Port-au-Prince pour s’assurer que le processus électoral a bien (enfin plus ou moins bien) démarré et que les voisins dominicains ne s’amusent pas eux aussi à tout faire dévoyer sous prétexte d’anti-haïtianisme mais plutôt pour camoufler leur propre hantise, leur trouille, en face de la lune de miel Washington - La Havane, vu qu’ils ont été les principaux bénéficiaires de la Guerre froide dans la Caraïbe.
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JACMEL, 2 Mai – A Jacmel, la richesse ne fait pas le bonheur. Et vice versa.
Le 1er Mai, fête patronale de la ville de Jacmel, chef lieu du département du Sud-Est, et l'une des villes jadis les plus prospères d'Haïti, a connu une gaité sans pareille. Fêtards et vacanciers du week-end ont dégringolé de partout, principalement de la capitale. Les hôteliers semblent s'être tirés d'affaires mais jusqu'au dernier moment les réservations se faisaient rares et les galeries d'art et d'artisanat qui se bousculent des deux côtés de la Rue Sainte Anne n'ont pas vu défiler grand monde que les citoyens de la ville eux-mêmes. Endimanchés il est vrai.
Pareil à l'Alliance Française, la magnifique exposition d'un jeune artiste du dernier pop-art haïtien, entre Hector Hyppolite et Jean-Michel Basquiat.
Ne vous fiez pas à la soirée Tropicana annoncée à cors et à cris parce que jusqu'à 1 heure a.m., il y avait beaucoup plus de gens sur l'Avenue Baranquilla qu'à l'intérieur.
La patronale de Jacmel subit les contrecoups de la profonde crise du pouvoir d'achat (et du pouvoir tout court) que nous subissons en ce moment, et dont nul ne voit la fin prochaine.
Cependant la construction n'en continue pas moins à progresser. Nos compatriotes continuant à fuir la capitale, Port-au-Prince, qui ne se relève toujours pas du terrible séisme de janvier 2010. La circulation automobile se fait encore plus dense au fur et à mesure qu'on laisse Jacmel pour Cayes-Jacmel et surtout Marigot, lovée entre les contreforts de la Forêt des Pins, qui porte bien son nom, et la mer Caraïbe.
A l'ombre du Libertador ...
En face se trouve le Venezuela, à vol d'oiseau de Jacmel, ce qui a permis au Libertador, Simon Bolivar, de mettre pied à terre la même nuit qu'il avait laissé Haïti pour sa dernière expédition militaire, la victorieuse, grâce à l'aide reçue des nouvelles autorités haïtiennes, les Pères de notre indépendance de 1804.
Aussi telle n'est pas leur fierté à la petite équipe du 'Mouvement social des citoyens jacméliens' de nous présenter la maison où avait résidé Simon Bolivar, avec la plaque portant le nom de celui-ci, mais qui avait disparu de vue depuis un quart de siècle. Pour eux, un tel exploit est presque aussi héroïque.
En effet, nous sommes invités par eux à faire le tour du centre historique de Jacmel, la cellule initiale dominée, comme toute ancienne ville européenne dont Jacmel est en Haïti la réplique parfaite, par la cathédrale et le marché public.
PORT-AU-PRINCE, 8 Mai – François Hollande arrive ce mardi (12 mai) pour une visite officielle d'une journée en Haïti.
C'est (seulement) le second président français qui visite notre pays, après Nicolas Sarkozy au lendemain du séisme du 12 janvier 2010, cela depuis l'indépendance de l'ancienne colonie française de Saint Domingue après une violente guerre de libération couronnée en 1804 par la victoire des anciens esclaves contre la force expéditionnaire (oui, avec pour mission d'exterminer les chefs noirs et mulâtres) dépêchée par Napoléon Bonaparte.
Cependant les présidents Hollande et (haïtien) Michel Martelly ont choisi de célébrer leur rencontre aux pieds de Toussaint Louverture, dont la statue trône devant le palais national de Port-au-Prince.
Alors que c'est Toussaint qui avait mis en marche le mouvement vers l'indépendance. D'où son titre de 'Précurseur de l'indépendance.'
L'indépendance a donc été un accident ...
Ancien esclave, Toussaint Louverture s'est hissé jusqu'au grade de général en chef des forces armées de Saint Domingue, tout en gardant son allégeance à la France (républicaine, celle de 1789).
Puis il rédigea la première constitution de l'île (1802) et se nomma gouverneur général.
C'est lui qui écrit à Napoléon avec la mention : 'du premier noir au premier des blancs.'
C'en était trop pour le futur empereur des Français qui envoya une force commandée par son propre beau-frère, le général Leclerc, pour abattre celui qui cependant voulait constituer un pays autonome, sans esclaves ni noir ni blanc, mais dont la France resterait toujours la métropole.
En un mot, Toussaint Louverture ne voulait pas l'indépendance mais l'autonomie mais plus que même aujourd'hui la Martinique et la Guadeloupe.
Partant l'indépendance aussi 'prématurée' d'Haïti, a donc été un accident.
PORT-AU-PRINCE, 17 Mai – Notre collaboratrice Huguette Hérard (page 2) fait pour nous cette semaine le compte-rendu d'un ouvrage intitulé 'Sauver les médias' (Julia Cagé, Paris) montrant, chiffres à l'appui, la descente en chute libre de la liberté d'informer à travers le monde, y compris dans les grandes démocraties du Nord.
Les causes sont multiples : pressions politiques, économiques, structurelles (la révolution insuffisamment maitrisée de l'internet) et aussi professionnelles. Mais, de notre côté, plutôt que 'sauver les médias', nous aurions intitulé cet ouvrage 'sauver la presse' car les médias qui se portent le mieux aujourd'hui, financièrement bien entendu, ne sont pas de ceux qui participent le plus à maintenir la liberté de la presse. Ayant, comme toute entreprise capitaliste, la rentabilité comme objectif primordial.
Le massacre ...
Alors que des journaux d'une réputation planétaire comme le Los Angeles Times ou Newsweek ont disparu des kiosques, de vulgaires feuilles de choux comme le National Enquirer (Floride) voient constamment augmenter leur tirage tandis qu'on se bouscule pour un mensuel du seul fait qu'il s'appelle 'Oprah Winfrey', la reine du talk-show. Et pourquoi pas : 'Beyonce' ou 'Rihana.' Les réseaux sociaux (en premier lieu Facebook) finissent d'accomplir le massacre.
Le grand New York Times vient de comptabiliser ses pertes pour le premier trimestre de l'année en cours : 15 millions de dollars en publicité évanouie. Ce n'est pas faute de lecteurs, mais ceux-ci procèdent 'en ligne.' Or les commanditaires sont plus lents à reconnaître la nécessité de se reconvertir dans ce nouveau médium. Ou alors ils essaient d'en profiter directement.
Lire la suite : Haïti : une presse supposée libre mais fort menacée …
MIAMI, 14 Juin – Hillary Rodham Clinton a ouvert officiellement sa campagne aux présidentielles de 2016 lors d'un grand meeting à New York, le samedi 13 juin, où la candidate du parti Démocrate, sans rivalité à l'intérieur de son propre camp, s'est positionnée comme le champion des moins fortunés et des plus infortunés.
Ce qui lui vaut ce titre du New York Post, édition du dimanche 14 juin : 'Rodham Hood', pour Robin Hood (Robin des Bois).
Mais déjà tous font aussi référence aux frasques de son époux, l'ex-président Bill Clinton, tant au niveau de sa vie privée (affaire Monica Lewinsky pas morte) que de son peu d'état d'âme pour garnir les caisses de sa fondation, pour considérer que ce dernier risque de constituer un sérieux boulet pour la campagne de son épouse.
Et l'adversaire déjà ne s'en est point privé. En font foi de nombreux articles parus dans le Washington Post (ou sur la chaine Fox News), y compris sur l'utilisation des fonds de l'assistance post-séisme pour Haïti.
'Sustainable development' ...
Bill Clinton a co-présidé une commission chargée de guider l'utilisation de ladite assistance : plusieurs milliards de dollars. Même si l'ex-président américain n'a pas eu à gérer de ces fonds lui-même. Mais beaucoup en Haïti (ainsi qu'à l'étranger) s'obstinent à penser, que vu ses positions en faveur du tandem Martelly –Lamothe au pouvoir en Haïti (interview au Miami Herald en décembre dernier pour prendre la défense, en termes plus qu'élogieux, du premier ministre Laurent Lamothe forcé à la démission), il est possible que sa fondation ait bénéficié de certaines facilités de la part des gouvernants haïtiens. Lui-même Clinton eut à dire que la tendance politique de ses bienfaiteurs lui importe peu, ce qui compte c'est l'usage qu'il fait lui-même des fonds reçus.