juin 21, 2025 Politique VBI
Par Wandy Charles - En s’ouvrant à une poignée de journalistes, Fritz Alphonse Jean a rompu avec des semaines de silence institutionnel. Une prise de parole que l’on attendait franche, rassurante, presque salvatrice, tant le pays patauge dans le brouillard d’une transition fragile. L’aveu d’un « manque de volonté » passé à lutter contre les gangs a certes le mérite de la franchise, mais il ne suffit pas pour rassurer sur la situation actuelle.
Dans une Haïti prise au piège d’une violence systématique, méthodique et planifiée, où les citoyens paient le prix fort de l’inaction cumulée des élites, le président du Conseil présidentiel de transition a reconnu que, jusqu’à novembre 2024, l’État haïtien n’avait tout simplement pas voulu agir. Le mot est fort. Il claque comme un aveu d’échec. Comme un désengagement organisé. Et cela pose une question simple : que fait-on maintenant, et avec qui ?
Le chef de la transition pointe aujourd’hui le manque de coopération du ministère de la Défense et dénonce un budget de guerre volontairement sous-exécuté à moins de 14 % en avril 2025. Il confirme aussi le recours à une firme de sécurité privée, sans révéler ni le nom ni le montant. Il précise simplement que ce n’est « pas Blackwater », comme pour désamorcer toute polémique. Mais dans un pays marqué par une défiance profonde envers la gestion opaque des fonds publics, cette déclaration soulève plus de questions qu’elle n’en résout.
Plus troublant encore : Fritz Jean admet qu’aucun Conseil des ministres ne s’est tenu depuis plus d’un mois. Cette suspension prolongée d’un organe aussi vital dans la coordination des politiques publiques révèle une transition en état de pause. Pendant que les gangs avancent, l’État recule ou piétine. Et les institutions paraissent figées, tétanisées par les tiraillements internes.
Mais ce qui dérange le plus, c’est la forme choisie pour cette sortie. Une rencontre verrouillée avec cinq journalistes issus de médias de référence, tenue à huis clos, loin du tumulte des conférences publiques. Une parole contrôlée, calibrée, pourrait-on dire… bien éloignée de l’image de reddition de comptes promise. De nombreux observateurs dénoncent d’ailleurs un climat de blocage systémique, d’atermoiements calculés et d’une transition qui peine à décoller.
La communication du Conseil présidentiel, en décalage avec la gravité de la situation, illustre un mal plus profond : l’absence d’un projet lisible, commun, mobilisateur, capable de fédérer autour d’une vision claire. Le peuple n’attend pas des demi-confessions, mais des décisions courageuses. Des gestes forts, des actions concrètes. Des actes qui tranchent avec l’opacité.
Mener la transition, ce n’est pas seulement administrer le provisoire. C’est poser les bases d’un sursaut, d’une rupture et d’un nouveau départ. Ce que la population attend aujourd’hui, c’est moins de constats, et plus d’engagements tenus. Moins d’excuses, et plus de résultats.
Fritz Alphonse Jean a peut-être ouvert une brèche. Encore faut-il qu’il ait le courage de l’élargir. Et d’y faire passer, enfin, les promesses d’un État qui se relève.
Vant Bèf Info (VBI)