JACMEL, 31 Janvier – Je me réveille avec une douleur au cou. Zika ! Pas de panique. Vous avez passé Chikungunya. Alors ? Maladies des temps nouveaux. Peut-être une Tylenol.
Mais aux Etats-Unis, le CDC (Centres américains de contrôle et de prévention des maladies) tonne : les femmes enceintes devraient éviter de se rendre dans les pays touchés. A commencer par le Brésil, puis le Honduras, le Salvador. Et même Porto Rico, territoire associé des Etats-Unis, etc. Y compris Haïti. Une semaine plus tôt, les responsables haïtiens de la santé disaient qu'aucun cas n'avait été relevé dans notre pays. Puis, devant le vent de panique internationale, ils ont changé aussitôt leur discours.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) rajoute de l'huile sur le feu. 'On peut s'attendre à trois à quatre millions de cas' sur le continent américain, déclare à Genève un responsable. De plus, l'OMS estime que l'épidémie reste largement sous-évaluée car la majorité des cas sont bénins.
Justement car il ne s'agit pas tant des pays déjà frappés par le Zika que d'en protéger les Occidentaux ( ?).
La maladie se transmet par une piqure de moustique du genre Aedes aegypti ou Aedes albopictus (moustique tigre), responsable aussi du chikungunya et de la dengue.
Si les syndromes sont le plus souvent de type grippal (fièvre, maux de tête, courbatures), chez les femmes enceintes le Zika, insiste-t-on, peut être transmis au fœtus et entrainer des malformations congénitales, telles que la microcéphalie, une diminution du périmètre crânien qui altère le développement intellectuel, voire peut causer la mort.
PORT-AU-PRINCE, 8 Mars – Le premier devoir de ce gouvernement de transition aurait dû être de déclarer le pays en régime d'austérité.
Le président provisoire Jocelerme Privert a bien ouvert son mandat en déclarant que l'économie est dans 'une situation alarmante et catastrophique.'
Entrainant un démenti de la part du ministre sortant de l'économie, Wilson Laleau, ainsi que du premier ministre sortant Evans Paul.
Le président Privert a semblé marquer une pause, sans doute lui a-t-on vite rappelé que à dire aussi crûment les choses, cela peut provoquer une sorte de panique boursière, mettre en fuite les investisseurs éventuels.
Et pourtant il n'y a pas deux façons de le dire que le gouvernement qui s'apprête à entrer en fonction n'aura d'autre chose à gérer que la plus sévère austérité que Haïti n'ait eu à subir depuis plusieurs décennies.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : une monnaie nationale à 63, 5 gourdes pour 1 dollar américain, sans aucune recette pour arrêter la folle dégringolade ; la dette publique qui s'élève à plus de 2 milliards de dollars, quand après le séisme de janvier 2010 la dette avait été ramenée à zéro grâce à son annulation par de généreux donateurs ; une inflation à deux chiffres : actuellement 13, 5%, qui indique une hausse vertigineuse du coût de la vie ... dans un pays où le citoyen moyen vit avec moins de deux dollars par jour.
Toujours plus dans la mendicité et la dépendance ...
Sans oublier 1,5 million de nos compatriotes en situation de famine, et qu'on devrait déjà porter ce chiffre à 3,5 millions étant donné que les récoltes qu'on attendait ne se sont pas concrétisées ... Et qu'une aide alimentaire internationale s'avère en ce moment plus qu'urgente. Nous enfonçant toujours plus profondément dans la mendicité et la dépendance.
MIAMI, 10 Avril – Oui il est le frère ainé de Georges Anglade mort lors du séisme du 12 janvier 2010, mais jamais deux frères n'auront été aussi différents. Dans leur adolescence.
Robert Anglade a été assassiné le 7 avril dernier. Il était le propriétaire d'un hôtel 'Jardins sur mer', à Aquin.
Le cadre c'est l'Institution Saint Louis de Gonzague, des années 1950.
La devise c'est tous pour un, mais pas un pour tous. En tout cas pas en tout et pour tout.
En effet la classe est divisée entre fils de l'élite traditionnelle, ceux du pouvoir en place, ceux de la bourgeoisie moyenne et quelques rares représentants des quartiers du bas de la ville, dont votre serviteur.
Elitisme ! ...
D'ailleurs les très chers Frères ne se privent pas de nous répartir en classe selon les mêmes critères.
Un Bonnefil se retrouvera à côté d'un Thébaud, mais un Vilmenay ou un Macary préférera la compagnie d'un Drouinaud ou des deux frères Guy et Claude Garcia. Ou d'un Lionel Magloire, le plus fortish en maths.
Tandis que Robert Anglade recherche tout naturellement la compagnie ... de Kenny Sajous.
Les deux partiront ensemble terminer leurs études au Centre d'Etudes Secondaires.
Et à cause de circonstances qu'aucun des camarades de cette promotion ne saura jamais oublier.
On est en Seconde, l'année d'avant la classe de Rhéto, donc deux années avant la Philo qui marque la fin des études à Saint Louis.
Vous avez dit : élitisme !
Désormais il n'y a pas que la valeur académique (les bonnes notes) qui compte. Saint Louis de Gonzague se doit de créer des Saint-Louisiens.
L'effort fait les forts ! ...
Et en quoi consiste un Saint-Louisien ?
Une solide connaissance en grammaire française (à base de versions latines) ou en mathématiques et sciences (sections A ou C).
MIAMI, 12 Avril – Ce 12 Avril, Frankétienne a soufflé 80 bougies. Le même jour, il est déclaré par le gouvernement haïtien grand Ambassadeur de la Culture Haïtienne de par le monde. Un titre par lequel Haïti reconnaît que l'immense talent de cet écrivain et peintre (artiste complet comme se voulait un Hugo ou un Cervantès dont il partage le souffle profond et le goût de l'absurde) a rendu notre nation plus riche, plus noble.
'Where are all the flowers gone ?' Voici que nous vivons aujourd'hui non seulement dans un monde misérable, au sens physique et financier, mais aussi triste et sans couleurs. Que sont devenues les fleurs, du temps qui passe et ne laisse plus de traces !
Où est Haïti chérie ou comme on disait encore, à tort ou à raison : le pays qui chante et danse sa misère ?
Sommes nous devenus plus réalistes à ce sujet. Ou au contraire pessimistes ? Ou pire encore, négatifs ?
En tout cas quelque chose s'est passé ces dernières décennies.
Réalistes, la nouvelle chanson haïtienne, la nouvelle peinture haïtienne, le nouveau roman haïtien ne veulent plus cacher la vérité, certes.
Cependant c'était la même ambition dans les années 1910-1920 chez Frédéric Marcelin, Fernand Hibert, Justin Lhérisson et plus tard chez Roumain, Jacques Alexis, Depestre et les autres.
Non aux pistaches 'yankees' ! Oui mais ...
PORT-AU-PRINCE, 21 Avril – Certain que les gros producteurs agricoles américains, largement subventionnés par l'Etat fédéral, ont profité de nos lacunes, insuffisances ou de nos erreurs pour déverser leurs tonnes de produits sur le marché haïtien réduisant ce dernier à néant à cause de l'impossibilité de soutenir la concurrence des prix et des coûts de revient.
Et cela est arrivé si souvent, et toujours à notre détriment qu'on comprend la levée de boucliers qui accompagne cette promesse de don de 500 tonnes métriques de pistaches (cacahuètes) pour les écoliers haïtiens menacés par l'insécurité alimentaire après trois années successives de sécheresse provoquée par le phénomène climatique El Niño.
Le débat fait rage en ce moment et, la nouveauté : jusque dans la presse américaine ('Donation of surplus peanuts from US dismays Haiti farmers' - Washington Post-AP, 15 Avril 2016).
Le 'gros cochon blanc américain' ...
Les défenseurs du don répondent que celui-ci ne concerne que 1.4% de la production haïtienne de pistaches (plus répandue sous forme de beurre de cacahuètes, dont la qualité haïtienne est très goûtée en diaspora).
Secundo, que la pistache haïtienne a une forte incidence de 'aflatoxine', un 'fongus carcinogène' (parasite) etc.
Mais il est difficile de s'enlever de la tête qu'une histoire semblable nous avait été contée dans les années 1970 pour justifier la destruction du 'petit cochon créole haïtien', dont l'implantation remontait à la colonie de Saint Domingue et qui s'était parfaitement adapté aux conditions depuis toujours difficiles du milieu paysan haïtien au point de venir à être considéré comme sa 'boite-secrets' (autrement dit son compte en banque).
Or sous prétexte que le petit cochon noir haïtien avait une maladie qui pouvait se propager jusqu'à son homologue en Amérique du Nord, une campagne systématique fut conduite en Haïti, au prix de millions de dollars, pour éradiquer notre glorieux petit survivant et pour le remplacer par un gros cochon blanc, gros et gras, importé des fermes climatisées du Texas, mais ne consommant que de la nourriture importée, donc hors de portée du paysan haïtien.
La nouvelle espèce ne survivra pas longtemps ou sous toutes sortes d'ersatz peu convaincants. Principal perdant : le paysan.
La 'guerre du riz' ...
Cela n'empêchera pas 15 ans plus tard de tomber dans le même piège avec le riz de Miami.