PORT-AU-PRINCE, 8 Mars – On ne pourra nier que de nombreux projets sont accomplis sous l’actuel gouvernement mais impossible de ne pas en garder aussi, et dans de nombreux cas, une impression d’inachevé.
Difficile de savoir pourquoi. Est-ce le pouvoir qui voit trop grand ? Dans son besoin presque maladif de propagande. Ou parce que le financement ne lui appartient pas en propre (BID, Banque mondiale, UE, Japon, Taiwan, Petrocaribe sont les principaux partenaires, et particulièrement ce dernier par la grâce du défunt président vénézuélien Hugo Chavez et de son successeur Nicolas Maduro) ?
Ou le processus d’appel d’offres qui n’est pas suffisamment respecté, sinon maitrisé ?
Ou d’autres causes moins avouables, comme le copinage, le ‘scratch my back’, le jeu des commissions, petits copains petits coquins etc ?
‘Lajan monte bwa’ …
En tout cas il est évident que l’heure du bilan commence à sonner. Et que trop de ces projets restent inaboutis. Tandis que d’autres sont déjà - officieusement – abandonnés. Pour cause de financement prétendument insuffisant. ‘Lajan monte bwa.’ Et ça nous fait une belle jambe.
Plusieurs de ces projets et non des moindres. Pourquoi donc avoir soulevé tant d’espérance ? De quoi pousser soi-même le peuple vers certaines extrémités. Irresponsabilité, oui, des dirigeants. Le secrétaire d’Etat aux travaux publics, transports et communications vient d’annoncer que les travaux pour rendre l’aéroport des Cayes (chef-lieu du Sud et 3e ville du pays) international, sont susceptibles de coûter le double de ce qui avait été prévu (US$ 40 millions au lieu de US$ 23) …
Idem pour l’aéroport de Jacmel (Sud-Est), ville déjà dotée de plusieurs infrastructures touristiques. Le coût des expropriations nécessaires, dit-on aujourd’hui, reviendrait à plus que les quelque trois millions qui avaient été mis de côté pour la construction de la nouvelle piste.
MIAMI, 16 Mars - Les prochaines élections sont parmi les plus importantes que nous ayons eues depuis le renversement de la dictature Duvalier et l’entrée en application de la Constitution de 1987.
L’électeur sera appelé à élire deux tiers du Sénat (20 sièges sur 30), toute la chambre des députés et toutes les municipales et territoriales. Resteront pour 2015 les présidentielles et le dernier tiers du Sénat.
Ce sont donc là des élections décisives pour les dix prochaines années au moins. Aussi aucune organisation politique qui se respecte ne peut se permettre de tourner le dos. Sous peine de disparition du cadran, voire de la mémoire des électeurs.
Cependant chacun réagira encore une fois à sa façon :
Fanmi Lavalas et MOPOD vont continuer de dénoncer, c’est leur arme de choc. Mais derrière l’appel à la démission du chef de l’Etat, c’est plutôt le rappel électoral que l’on bat.
Quant à la Fusion des sociaux démocrates qui est partie en fin de partie, on ne sait trop quelle attitude elle va adopter au final n’ayant pas, comme les deux autres organisations précédemment citées, de troupes de choc.
Martelly jouera sa ‘célébrité’ personnelle …
Mais entrée en scène d’une multitude de petits partis politiques qui ont participé au Dialogue et ont même pu faire pencher la balance. Par exemple, leur opposition à la formation d’un gouvernement de consensus pour lui préférer un gouvernement d’ouverture qui a la faculté de laisser en place le premier ministre, Laurent Salvador Lamothe. Le sort de celui-ci à certains moments autour de la table, ne tenait qu’à un fil.
On les appelle ordinairement partis proches du pouvoir. Mais s’ils sont capables d’influencer par leur nombre l’arithmétique de formation d’un gouvernement, par contre ont-ils une force électorale véritable ?
Jusqu’à quel point le président Martelly peut-il compter sur ces partis-là (les méchantes langues diraient ‘particules’) pour augmenter son capital électoral ?
JACMEL, 27 Avril – Washington ne pense qu’à asseoir ses intérêts et choisit les plus aptes à les assurer à tel moment précis.
Cependant les différentes parties haïtiennes ont aussi chacune ses intérêts et même au sein du pouvoir actuel qu’elles ne sont pas toutes unies dans la défense de leurs intérêts respectifs.
Vous avez les ultra-libéraux à la manière du premier ministre Laurent Lamothe, les populistes façon Michel Martelly, mais aussi les opportunistes venant de tous bords, y compris de l’adversaire congénital, le Lavalas … mais aussi et en nombre plus imposant (et surtout avec une plus longue expérience du terrain politique), les Duvaliéristes. Ou plutôt, question génération, les Jean-Claudistes.
Tout cela forme un cocktail qui n’est pas de tout repos, l’Histoire du pays est là pour le démontrer.
Par exemple, le Duvaliérisme a une règle d’or : le bourgeois c’est fait pour alimenter l’économie, ou plus précisément la caisse publique. Mais c’est nous qui gouvernons. Et gouverner signifie maintenir la masse en respect, réprimer toute contestation. Les intellectuels, y compris. Le bourgeois peut ainsi dormir sur ses deux oreilles pendant que nous garantissons ‘la paix des rues.’ Mais pas question de mélanger les deux.
Et c’est pour avoir dérogé à cette règle en épousant la bourgeoisie en la personne de Mme Michèle Bennett, que Baby Doc a précipité sa chute. Le Duvaliérisme historique s’est senti trahi.
JACMEL, 4 Mai – Une très belle affiche sur les murs de Jacmel. Non ce n’est pas ‘Papa Tounen’, le slogan du futur candidat aux prochaines sénatoriales et ex-sénateur du Sud-Est, Joseph Lambert.
Si la politique a quelque chose à voir avec l’actuelle exposition, c’est un accueil plutôt par la petite porte - qui traduirait, paraît-il, une certaine désaffection des autorités de Jacmel, quoique des proches du président Michel Martelly, à cause du dernier remaniement ministériel où leurs choix pour certains postes gouvernementaux n’auraient pas été pris en considération …
Jacmel possède en tout cas l’un des meilleurs espaces pour une aussi importante exposition avec le nouveau Centre de Convention, construction d’un modernisme certain, récemment inauguré.
Et force a été de faire une petite place à l’événement, même par la porte cochère. Le vendredi 2 mai, on s’y bousculait. Mais pas un seul officiel ni local ni du gouvernement central. A croire que la culture (celle qui n’est pas exploitable comme un gadget touristique quelconque) est le cadet de leurs soucis à nos officiels d’aujourd’hui.
Des inédits des Archives nationales …
Le problème c’est que tout étant politique actuellement ou objet de propagande, voilà pourquoi l’exposition a dû rester fermée les deux jours les plus indiqués au contraire pour la visiter, aussi bien le samedi que le dimanche écoulés. Or elle ne doit rester sur place pas plus de 15 jours.
‘Depuis 200 ans’ c’est son nom. Réalisée avec des pièces inédites des Archives nationales.
Sur place deux des principaux organisateurs : l’artiste Patrick Vilaire et Jacques Oriol.
A propos justement des querelles entre nos chefs d’aujourd’hui, la première leçon à tirer de cette exposition c’est comment la gloire est illusoire !!!
PORT-AU-PRINCE, 8 Juin – On dirait que notre gouvernement s’intéresse aux grands hôtels internationaux plus que toute autre chose.
En tout cas, il a de toute évidence fait plus pour la promotion de ces derniers que pour la réussite des Accords qui y sont signés. Et cela continue … avec la semaine dernière un nouveau round de négociations de deux jours dans l’un de ces nouveaux palaces, le Best Western (à Pétionville). Et comme toujours, la montagne n’a même pas accouché d’une souris. Exécutif et Sénat, on s’est séparé sans même la politesse de se fixer un nouveau rendez-vous.
Mais on n’est pas fâché pour autant puisque dès qu’il s’agit de fouler les tapis moelleux d’un ‘5 étoiles’, nul ne résiste, même les adversaires les plus radicaux en temps ordinaire.
Les sénateurs accusent le président Michel Martelly et son équipe de tendances dictatoriales et jurent de les empêcher d’arriver à leurs fins.
De son côté le pouvoir traite son opposition parlementaire de revanchards qui veulent bloquer toute tentative de changement.
La bataille se situe pour le moment autour de la formation de l’organisme qui doit gérer les prochaines élections (législatives partielles et toutes les municipales et locales) donc capitales pour l’avenir politique.
Mais ce qu’on aura retenu jusqu’à présent c’est le défilé avec large sourire de circonstance à la ronde, la parade aussi incessante qu’infructueuse, sous les lambris dorés des hôtels grand chic où ont lieu ces rencontres, parce que chaque accord ou traité porte le nom de l’un d’eux.
Un décor pour scénario à la James Bond …
Quel coup de pub plus extraordinaire que l’Accord d’El Rancho. Le fondateur de ce palace des décennies 50-60 qui ont marqué le pic de l’industrie touristique haïtienne, aujourd’hui encore un décor pour scénario à la James Bond, bien entendu revu et revisité par les nouveaux locataires, Monsieur Albert Silvera, doit se retourner de joie dans sa tombe.
Quant au Best Western, il doit brûler en ce moment force chandelles et prier tous les saints de la liturgie catholique et vodou pour qu’aboutissent les conversations qui ont débuté la semaine écoulée dans ses salons que l’on dit décorés des plus belles créations de l’artisanat local.