PORT-AU-PRINCE, 17 Septembre – Alors que beaucoup auraient pu craindre de gagner les rues du centre-ville ce lundi 17 septembre où se tenait l’installation à la Primature du nouveau premier ministre Jean Henry Céant, cela à cause des manifestations accompagnées de violences et d’interventions policières musclées qui ont eu lieu ces derniers jours, rarement la capitale n’avait été aussi tranquille.
En effet les craintes se sont révélées vaines parce que les véhicules circulaient sans aucune difficulté, et il n’y avait pas l’ombre d’un manifestant dans les parages du siège du premier ministre, à la Cité de l’exposition (Bicentenaire).
Faut-il l’interpréter comme ce qu’on appelle un ‘temps de grâce’.
C’est une période d’accalmie accordée à un nouveau dirigeant pour lui permettre de mettre en place ses batteries.
On a donc l’impression, vu l’atmosphère qui a régné ce lundi à la capitale, que le premier ministre Jean Henry Céant a cette chance, rare par les temps qui courent, de bénéficier de ce fameux temps de grâce de la part de la population généralement parlant.
Pas un seul petit groupe, pas même de chahuteurs (tapageurs), lors des allées et venues des cortèges autour de la Primature.
C’est important. Et le premier ministre serait bien indiqué d’en profiter pour mettre sa copie au propre, sa pendule à l’heure, afin de prendre un bon démarrage. Jean Henry Céant ne peut ne pas avoir saisi le message.
Seulement il n’y a pas une minute à perdre.
Autre point à signaler lors de cette cérémonie ce lundi 17 septembre à l’installation du nouveau chef du gouvernement, et qui a étonné plus d’un, c’est le discours du premier ministre démissionnaire, Jack Guy Lafontant.
Alors que certains se plaisent à qualifier ce dernier de ‘bèbè’ (mot créole qui signifie muet comme une carpe), eh bien le premier ministre JGL nous avait simplement réservé son chef d’œuvre pour la fin de son mandat.
PORT-AU-PRINCE, 29 Septembre – Tout le monde se plait à dire, et surtout depuis que les réseaux sociaux (whatsapp principalement) permettent à un grand nombre de s’exprimer en toute quiétude - que le peuple haïtien enfin a son mot à dire.
Cependant une catégorie, et non des moindres, reste totalement silencieuse. Ce ne sont pas ceux qu’on considère comme les plus pauvres, quoique personne qui ne soit touché par la crise actuelle. Ni comme les plus riches car ces derniers traditionnellement ne se prononcent pas sur les problèmes nationaux. Pas publiquement, en tout cas.
Appelons-les classes moyennes. Au niveau de la fortune. Socialement parlant. A moins d’être directement impliqué dans l’actualité politique - et encore ceux-là se comptent sur les doigts d’une seule main, on ne trouve désormais aucune trace de cette catégorie-là dans le grand débat qui agite aujourd’hui la nation.
Pourtant ils sont bien parmi nous. Pourquoi ne disent-ils mot ?
Trop occupés par leur survie. Comme tout un chacun.
Comme s’ils pensaient aussi que leur intervention, à quelque niveau que ce soit, ne peut rien y changer !
Comme quoi, tout est foutu ?
Alors que leur absence totale sur l’échiquier ne peut que profiter à nos fossoyeurs. C’est une loi de la nature.
Dictature à revers …
Définitivement il y a une classe qui n’en revient pas de cette chute brutale et totale-capitale traversée aujourd’hui par la nation.
On se croirait revenu sous la dictature Duvalier. Mais à revers. Ce n’est pas que la liberté d’expression n’existe pas aujourd’hui, mais c’est son inutilité qui immobiliserait certains.
On trouve parmi ceux-là différentes catégories de déçus de ces trente dernières années.
PORT-AU-PRINCE, 2 Octobre – Ce n’est pas trop de dire que c’est en effet le plus sanglant coup d’état militaire survenu dans le continent ces trente dernières années.
Non seulement le jour même des événements les forces militaires tirèrent en plein dans la foule pendant qu’on entend sur la liaison radio le Major Michel François qui crie comme un forcené ‘Met mayèt nan janm yo’, mais pendant les trois années que dura ensuite le régime militaire putschiste, l’armée et ses sbires (sous l’acronyme FRAPH, dirigé par un cocaïnomane, Toto Constant) ne passèrent pas une semaine sans intervenir dans les quartiers populaires de Port-au-Prince, des Gonaïves (Raboteau) et des Cayes tirant à hauteur d’homme sur les paillotes. On parle d’un bilan autour de 3.500 morts.
PORT-AU-PRINCE, 19 Avril – Haïti et la République dominicaine, deux Etats sur la même toute petite île mais qui ne se parlent pas.
Et aujourd’hui, semble-t-il, plus que jamais.
En tout cas, les seuls sujets d’actualité entre nos voisins et nous ce sont les sans papiers haïtiens qui traversent la frontière et se font ramener sans ménagement à leur point de départ quand ils ne se font tout simplement pas occire ; ensuite c’est la contrebande vu les importations monstre reçues par notre pays, on nous dit le troisième partenaire commercial (disons plutôt, premier client) d’une nation voisine qui a le taux de croissance le plus important (6,4) de la Caraïbe (Haïti : prévision 1,8).
Le troisième sujet de conversation c’est l’arrivée de la Chine, deuxième puissance économique de la planète chez nos voisins avec ses milliards en investissements.
Comment se pourrait-il que cela ne change la donne entre ces deux nations se partageant jalousement un même bout de terre ?
De toute évidence ces trois items (l’immigration illégale, la contrebande par la frontière commune et l’entrée en scène du géant chinois) menacent de bouleverser l’avenir de cette île de 76. 192 km2 (dont 27.750 pour la partie haïtienne) que nous appelons Kiskeya et nos voisins Hispaniola (première divergence – chacun revendiquant ses origines : Afro-caribéennes pour les Haïtiens et Hispaniques pour nos voisins).
Si l’on tente un peu de politique fiction, aujourd’hui aussi bien d’un côté que de l’autre qu’on aurait raison d’être inquiet.
La Chine voudrait utiliser la république voisine comme un tremplin pour ses visées économiques expansionnistes dans le continent et être plus près du plus grand marché du monde : l’Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada).
Et aussi comme un tremplin (pied à terre stratégique) à proximité des nouvelles puissances économiques régionales qu’on nomme le Brésil, le Mexique etc.
Moins d’une année après la reconnaissance diplomatique de la grande Chine (Pékin) par l’Etat dominicain, ce dernier rompant avec Taiwan comme une obligation, ce sont des centaines de millions qui sont tout de suite investis de l’autre côté de la frontière avec notre pays dans d’importants projets d’infrastructure (ports, aéroports, voies ferrées etc).
Toujours l’apport de main d’œuvre haïtienne ...
Cependant il n’y a pas un seul tournant dans l’histoire économique chez nos voisins qui n’ait nécessité un important apport de main d’œuvre haïtienne.
De l’industrie sucrière (1930) au passage à l’agriculture d’exportation (1970) pour déboucher sur les grands investissements dans le domaine ‘services’, principalement touristique (établissements hôteliers, modernisation du ‘Malecon’ - boulevard du front de mer, construction du métro de Santo Domingo etc.).
MIAMI, 18 Mai – La fête du Drapeau Haïtien, le 18 Mai, qui est traditionnellement le sommet du Haitian Heritage Month (Mois de l’Héritage Haïtien) aux Etats-Unis, et en Floride tout particulièrement, a été cette année plutôt pâle.
Des ‘bands’ (groupes musicaux) attendus de Port-au-Prince, n’ont pas tous pu faire le voyage.
Par conséquent le marasme socio-politico-économique qui sévit en Haïti, est en partie responsable du manque d’ambiance ce 18 Mai dans la communauté haïtienne du Comté de Dade (Dade County) qui commémore cette date avec ferveur depuis plusieurs décennies.
Par exemple, le gouvernement haïtien qui apporte son quote-part (envoi subventionné d’artistes et d’œuvres d’art) cette année a adopté un profil bas, cela en raison de la crise politique : blocage de la ratification du nouveau gouvernement au Parlement.
Mais il y a aussi des raisons internes à la communauté haïtienne, dans ce manque de couleurs.
Qui dit communauté haïtienne signifie Little-Haiti (Petite Haïti), quartier haïtien au centre de la métropole de Miami, fondé dans les années 1980 par les premières vagues de réfugiés fuyant la misère et la violence sous la dictature Duvalier.
Little-Haïti en est venue à constituer un symbole même si ce ne sont pas les plus réussis financièrement qui y ont habité.
Mais c’est à Little-Haïti qu’on trouve une vraie petite cathédrale répondant au nom de Notre-Dame D’Haïti ; une école élémentaire portant le nom de Toussaint Louverture ; une magnifique réplique du Marché en Fer de Port-au-Prince, le Caribbean Market Place et surtout le Little-Haiti Cultural Center, le plus beau centre culturel haïtien sur toute la terre, eh oui.
Ainsi que plus de rues et d’avenues dédiées aux héros haïtiens de l’Indépendance et à nos plus éminents créateurs dans le domaine des arts et des lettres que … en Haïti même.
Or Little-Haïti déjà n’est plus ce qu’elle était.
En effet le quartier haïtien se retrouve soudain au centre de l’appétit vorace de promoteurs immobiliers qui font assaut à coups de centaines de millions.
Près des trois quarts de Little-Haiti a déjà été ‘bulldozé’, attendant les gratte-ciel qui remplaceront les petits shops haïtiens.
Tandis que la communauté haïtienne s’est éparpillée aux quatre vents, dont le plus grand nombre à North-Miami, plus au nord, etc, mais désormais perdue dans la grande masse.
Aussi manque-t-il cet effet choc que faisaient chaque année tous les stores de Little-Haïti décorés aux couleurs du drapeau haïtien bleu et rouge tandis que les voitures arborant les mêmes couleurs, défilaient en jouant du klaxon.
Allant même jusqu’à avoir le plus grand gratte-ciel du down-town Miami, illuminé bleu et rouge.
Et le maire de la ville de Miami prenant un édit spécial à cette occasion.
Mais plus rien de ce genre cette année. Rares sont les véhicules qui passent avec le bicolore haïtien.