PORT-AU-PRINCE, 23 Juin – Le fils de Baby Doc reçu à Washington, cela ne vaut pas plus qu’un ‘cuip’ !
Et pourtant !
Et si l’horizon politique s’était totalement retourné ces derniers temps au point que ... que comme on le voit en Italie où une Mussolini fait les grands titres de la presse politique ou dans la République dominicaine voisine - un petit Trujillo, Washington aurait senti le besoin de remonter jusqu’à la dictature Duvalier dans sa quête d’une solution plus stable pour notre pays.
Soudain, en effet, voici Nicolas Duvalier en interview sur la radio gouvernementale américaine, La Voix de l’Amérique, et au centre d’une collection de photos qui le montrent reçu ostensiblement par des hauts gradés de l’institution militaire des Etats-Unis.
On aurait crû à un faux s’il n’y avait l’interview sur Voice of America.
Que se passe-t-il ?
Fiston Duvalier avait 3 ans lorsqu’il a gagné l’exil, le 7 février 1986, avec son père, feu Jean-Claude Duvalier surnommé Baby Doc, mort à 64 ans, le 4 octobre 2014.
Après 29 ans d’un régime dictatorial (père et fils) qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts et de disparus.
Et sous lequel pour quelque 100.000 emplois créés dans la sous-traitance (achèvement de produits de fabrication industrielle reçus de l’extérieur avant leur expédition sur le grand marché international, en premier lieu les Etats-Unis) et une certaine reprise du tourisme mais sans la création des infrastructures nécessaires pour en assurer l’avenir, le pays, hélas, connaitra en même temps aussi les premières migrations massives par la mer (‘boat people’), le gaspillage le plus massif de l’aide internationale (dont une partie atterrira sur les comptes en Suisse du dictateur et de sa famille) ainsi que l’épidémie du Sida qui achèvera de détruire l’image d’Haïti dans le monde.
Cependant après la chute de la dictature (7 février 1986), une fois éteints les lampions de la fête, nos politiciens ont recommencé à s’entredéchirer.
Et le pays de continuer à péricliter, pour se retrouver aujourd’hui dans un état, il faut bien l’admettre, pire que sous la dictature, du moins sa deuxième version Baby Doc (1971-1986).
Mainmise totale sur la machine économique ...
La dictature tirait sa force non seulement d’une machine de répression impitoyable, mais aussi dans une étatisation (ou plutôt ‘duvaliérisation’) de l’économie, prenant sous son contrôle exclusif tous les instruments régissant la production, le commerce ainsi que le crédit bancaire.
C’est le règne des entreprises d’Etat dont les plus importantes ont été la Cimenterie (vendue au pouvoir par son premier propriétaire, la famille Lambert de France-Martinique), la Minoterie (farine de blé), tout comme l’Electricité d’Haïti, la Teleco (téléphonie), mais aussi la Régie du Tabac qui était la vache à lait par excellence destinée à financer les réalisations du pouvoir c’est-à-dire de la famille présidentielle, donc immense source de prébendes et de corruption, autre force de la dictature ‘macoute’.
PORT-AU-PRINCE, 13 Juillet – Il est 5h 15 pm samedi. Le petit pavillon dressé dans la cour du Mupanah (musée du panthéon national), au Champs de Mars, ne désemplit pas.
Un nombre presque plus grand sinon égal de journalistes accompagnant la présidente de la Chine (Taiwan), Tsai Ing-wen que d’officiels haïtiens.
La cérémonie démarre avec un protocole étudié.
Dans son discours, la présidente de Taiwan fait état des activités conduites par son pays en Haïti.
Elle se réjouit que 2 grandes entreprises taiwanaises investissent déjà dans les industries de sous-traitance ici et aussi de la promotion des échanges de part et d’autre, puis pour se pencher plus longuement sur le projet d’énergie électrique.
C’est un projet ‘tripartite’, dit Mme Tsai Ing-wen : financement par une banque de Taiwan ; réalisation par des techniciens taiwanais et la main d’œuvre confiée à des ouvriers haïtiens.
On apprend alors qu’il ne manque pour le démarrage des travaux que le vote de validation de l’Assemblée nationale d’Haïti.
Prenant à son tour la parole, le président Jovenel Moïse souligne que les relations diplomatiques entre la République de Chine (Taiwan) et Haïti datent de 63 ans.
Les deux points forts de cette coopération sont l’agriculture et l’énergie, selon le chef de l’Etat haïtien.
Taiwan, selon Jovenel Moïse, est pour nous un modèle parfait parce que ayant subi des problèmes similaires (instabilité politique, émigration massive, pauvreté). Puis pour en sortir grâce à la stabilité retrouvée et au travail acharné.
Le président Moïse s’est visiblement réjoui d’être celui qui a fait totalement sien le ‘projet de construction du réseau électrique du bassin de Port-au-Prince.’
Et dont il pense que sa réussite soulèvera un effet d’entrainement dans d’autres secteurs.
Il en appelle au Parlement haïtien pour valider le projet.
Pour finir le président souligne que la coopération taiwanaise est une politique donnant-donnant car de son côté Haïti constitue pour les entreprises de Taiwan la porte d’entrée sur ‘un carrefour stratégique par où transite 40 pour cent de la production internationale.’
Tiens, pourquoi ne pas rouvrir les Magasins de l’Etat ?
MIAMI, 20 Juillet – Face à la hausse vertigineuse des prix à la consommation en Haïti, plus d’un se demande : que fait le gouvernement ?
Les plus âgés remarquent : mais où sont passés les Magasins de l’Etat ?
Ces derniers se souviennent que sous la dictature Duvalier (1957-1986), dès que les prix augmentaient de façon trop brutale, tout de suite le gouvernement passait lui-même commande des produits dits de consommation courante, en particulier le riz et les huiles comestibles, et obtenait ainsi un retour à la normale.
C’est ce que l’on entend par les Magasins de l’Etat, institution publique qui avait en charge cette fonction. Aussi le poste de directeur général des Magasins de l’Etat était très envié.
Car évidemment cela comprenait aussi un certain degré pour ne pas dire un degré certain de corruption.
Première conclusion : la dictature avait peur davantage de la mauvaise humeur populaire que le règne démocratique sous lequel nous sommes supposés vivre aujourd’hui ?
Oui, par certains côtés. Parce que la dictature est censée en partant être une usurpation, voire quand c’est une dictature à vie !
Donc elle est davantage sur ses gardes.
Mais aussi il y a démocratie et démocratie. Et toutes ne sont pas censées être comme celle que nous connaissons aujourd’hui en Haïti, qui rappellerait plutôt une sorte de dictature à visage démocratique.
Ce qui n’avantage que les nouveaux dirigeants puisqu’ils n’ont même pas besoin d’avoir les soucis du dictateur …
En effet, l’escalade en ce moment des prix à la consommation ne semble pas empêcher les détenteurs du pouvoir de dormir sur leurs deux oreilles.
Jean-Claude (Baby Doc) Duvalier en aurait fait une maladie.
Mais comment tout cela est-il arrivé ?
François Duvalier avait compris (sacré bonhomme !) qu’un pouvoir qui n’a pas le contrôle de l’économie, toute l’économie, n’est pas un pouvoir.
Aussi s’empressa-t-il de mettre toute l’infrastructure commerciale sous son contrôle.
C’est la création du Ciment d’Haïti (contrôle de l’industrie de la construction), de la Minoterie (la farine que nous ne produisions pas en Haïti jusque-là et qui nous revenait à très cher), plus tard de l’Electricité d’Haïti, puis de la Teleco (téléphone) etc …
Mais en même temps tout cela doit servir pas seulement à contrôler les prix à la consommation en les empêchant d’être totalement assujettis aux variations du marché international mais cela doit servir aussi à consolider le régime …
MIAMI, 25 Juillet – Le terme Classe moyenne il y a quelque temps nous faisait peur.
Parce que ayant servi à la dictature Duvalier comme prétexte idéologique.
Aujourd’hui on se demande si le méchant Papa Doc ne s’en est pas servi au contraire pour handicaper toute évolution future du pays et continuer à imposer sa dictature à vie, oui é-ter-nel-le-ment !
En effet où en est aujourd’hui la Classe moyenne ?
Qu’est-ce que c’est ?
Qui est-ce ?
Qui sait !
Pourtant elle existe. Par la force des choses. Moyenne parce que ne se distinguant pas par la richesse matérielle mais sans être réduite à la pauvreté de la grande masse.
Mais surtout parce que, supposément, ayant fait des études, ce qui la distingue aussi bien des rentiers traditionnels que du peuple proprement dit.
D’où la conclusion de Papa Doc : la Classe moyenne a pour vocation de diriger ce pays !
Or où est passée aujourd’hui la Classe moyenne ?
A-t-elle été enterrée avec le Duvaliérisme dont nous sommes censés nous être débarrassés le 7 février 1986 avec le départ en exil de Bébé Doc ?
La Classe moyenne est-elle pour cela rayée depuis de la carte ?
Par qui ou par quoi a-t-elle été remplacée ?
Par une nouvelle révolution qui a porté au pouvoir de nouvelles catégories plus proches de la masse ?
En tout cas aujourd’hui rien ne marche.
Mais deuxième constatation, appelons un chat un chat ce ne sont pas les mieux formés qui semblent non plus en ce moment à la tête du pays.
Force est donc de s’interroger sur la disparition quasi totale de ces derniers ou, en un mot, de … la Classe moyenne ?
Est-ce l’échec des catégories qui ont pris les commandes au lendemain du 7 février 1986 ?
Mais victimes de leurs propres erreurs ou pour s’être au contraire fait damer le pion, comme on l’entend de plus en plus dire aujourd’hui, par d’autres catégories, comme les détenteurs de capitaux à la fois nationaux et étrangers qui seraient arrivés à créer leurs propres alter ego politiques, dominant donc désormais les deux piliers majeurs que sont l’économique et le politique.
MIAMI, 31 Juillet – Le nouveau premier ministre nommé et son gouvernement ne semblent même pas pouvoir atteindre le stade de la tentative de ratification parlementaire qu’ils ont disparu dans les oubliettes de l’histoire.
Aussi la question : pourquoi cette initiative ?
Au moins le dernier premier ministre nommé sortant Mr. Jean Michel Lapin a fait 3 mois à exécuter les affaires courantes, dont un effort de calmer le mécontentement dans les quartiers populaires par quelques initiatives d’apaisement social ; présider le conseil supérieur de la police nationale (CSPN) en encourageant le corps de police à ne pas baisser pavillon devant les gangs, c’est pendant l’intermède Lapin que sont maitrisés les deux plus puissants chefs de gang : Tije et Anel.
Cependant Jean Michel Lapin s’est vu refuser la ratification par les deux branches du parlement. Point !
Il y a une semaine le président Jovenel Moïse annonce le choix d’un nouveau premier ministre, son quatrième en un peu plus d’un an (Jack Guy Lafontant, succédé par Jean Henry Céant, puis Jean Michel Lapin et aujourd’hui Fritz William Michel).
Jack Guy Lafontant c’était le confident et complice ; Jean Henry Céant, notaire universellement connu, devait être Zorro puisque nommé (et aussitôt ratifié) pour venir éteindre les flammes des émeutes surprise des 6 et 7 juillet 2018 ; Jean Michel Lapin c’est l’outsider (le fonctionnaire plus soucieux de résultats que de calcul politique) cela lorsque le président commença à réaliser que l’ennemi était dans son sein (‘se rat kay ka p manje pay kay’), par contre qu’est ce qui explique la nomination du nouveau premier ministre, Fritz William Michel ?
Signe particulier : totalement inconnu. Est-ce façon de dire qu’il n’appartient à aucune faction, qu’il n’est pas un politicien. C’est un homme neuf ?
Hélas, un petit tour sur les réseaux sociaux montre que ce monsieur a des dispositions politiques bien arrêtées, qu’il est un adepte convaincu du parti au pouvoir (un PHTK tête calée !), partisan de la ligne dure et, ce qui ne dérange rien, un laudateur du président américain Donald Trump.
Soudain même le président de la Chambre des députés, Mr Gary Bodeau, qui semblait avoir parrainé son choix vu ses déclarations après l’arrêté présidentiel confirmant la nomination, qui ne montre plus le même enthousiasme.
La nomination du ‘petit Michel’ comme l’écrit déjà une certaine presse, pas seulement à cause de son âge (38 ans), appartient-elle déjà au passé ?