PORT-AU-PRINCE, 11 Octobre – Nos voisins dominicains ont un avantage certain : nos divisions, nos querelles fratricides et souvent sans objet mais par pur égocentrisme. Nombrilisme. Infantilisme même.
Car la plus grande faiblesse de la communauté dominicaine d’ascendance haïtienne ce n’est pas en elle mais c’est la décadence en tout point au pays d’origine.
Un arrêt de la Cour constitutionnelle de Santo Domingo, aujourd’hui dominée par l’extrême droite anti-haïtianiste (Haïti ayant occupé pendant 22 ans la partie orientale de l’île, c’est contre les Haïtiens que sera déclarée l’indépendance de la République dominicaine en 1844), nous ramène aux pratiques haineuses du temps du dictateur criminel Rafael Trujillo (assassiné enfin en 1961) pour enlever la nationalité aux Dominicains d’ascendance haïtienne remontant jusqu’à 1929. Autrement dit, quatre générations.
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PORT-AU-PRINCE, 16 Octobre – Le gouvernement veut se lancer dans la culture de la banane. L’objectif officiel est de lutter contre l’insécurité alimentaire. Cependant derrière cette décision soudaine se trouve un autre but presque aussi important. Une production pouvant être exportée vers le Venezuela en échange des produits pétroliers dans le cadre du programme PetroCaribe.
Le Premier ministre Laurent Lamothe, accompagné du ministre de l’Agriculture, Thomas Jacques, a rencontré récemment au Venezuela les responsables de la ZEP (Zone Economique PetroCaribe), un accord dont l’un des points autorise les pays participants à rembourser en produits naturels une partie du paiement de la dette pétrolière contractée avec le Venezuela, le premier pays exportateur du continent.
Le gouvernement haïtien voudrait pouvoir profiter de cette disposition aussi tôt que possible.
Mais Haïti est-elle un pays producteur de bananes ?
Haïti a été l’un des principaux producteurs de la Caraïbe. Mais il y a plus de 60 ans.
Les Etats-Unis (sauf la Floride), le Canada et l’Europe ne cultivent pas la banane. Mais en consomment beaucoup. Ils doivent donc l’importer.
Pour cela, les Américains avaient créé une compagnie multinationale qui achetait la banane produite partout dans le reste du continent. Son nom : la Standard Fruit.
Haïti a été l’un des principaux fournisseurs de la Standard Fruit.
Cela signifie que le sol et le climat d’Haïti sont excellents pour la culture de la banane.
Ainsi on lit dans l’ouvrage de Anthony Georges-Pierre sur l’époque du président ‘Dumarsais Estimé’ (1946-1950) : ‘L’exportation de la banane haïtienne passait de 2.000 régimes en 1930 à 1. 300.000 en 1936, et à 3.000.000 régimes en 1940 pour atteindre le chiffre record de 7.400.000 régimes en 1947.’
En peu de temps, écrit le même auteur, ‘la banane avait supplanté le coton comme second produit d’exportation parmi les denrées commerciales haïtiennes.’
MIAMI, 26 Octobre – Le gouvernement dominicain a annoncé qu’il appliquera la décision de la Cour constitutionnelle enlevant la nationalité aux Dominicains d’ascendance haïtienne remontant jusqu’à 1929.
On a calculé que ce sont plus de 300.000 personnes qui seront affectées, dont la majorité n’ayant jamais mis les pieds en Haïti.
Après une rencontre entre le Conseil national de la migration (réunissant les différents départements intéressés à la question) et le président de la république, Danilo Medina, un porte-parole gouvernemental a annoncé que l’exécutif respectera l’arrêt 168-3 de la Cour constitutionnelle, cela en vertu du respect de l’indépendance des trois pouvoirs de l’Etat.
Puis, citant une déclaration précédente du président Medina, le porte-parole a poursuivi : ‘en dépit de cette décision, il y a un problème humain que nous devons résoudre (…). L’Etat est sensible à la détresse de ceux qui se considèrent comme des Dominicains et qui s’estiment lésés dans leurs droits suite à cette décision.’
Résidence légale temporaire …
La réponse de l’Etat dominicain n’a pas tardé. Cela dans une déclaration du directeur général de l’immigration dominicaine, Jose Ricardo Taveras (parue dans la publication Dominican Today, 25 Octobre 2013) : ‘Tous les immigrants peuvent obtenir une résidence légale temporaire.’
Ricardo Taveras était interrogé sur le cas de la Dominicaine Juliana Deguis, à qui l’immigration a refusé pendant longtemps un passeport.
‘C’est une procédure très simple, a dit le chef de l’immigration dominicaine. Nous attendons Juliana comme tous les autres qui ont le même problème. Et qui vont pouvoir travailler, étudier et exercer toutes les activités de la vie civile avec les mêmes droits et devoirs reconnus à tout citoyen résidant légalement dans un pays’ (étranger).
Juliana Deguis est née de parents haïtiens vivant depuis longtemps dans la république voisine.
PORT-AU-PRINCE, 7 Novembre – Le gouvernement haïtien ne peut pas espérer qu’il va continuer à faire business as usual avec les puissants de la république voisine (pouvoir et business) pendant que le monde entier prend fait et cause pour les Dominicains d’ascendance haïtienne auxquels les institutions politico-judiciaires de la République dominicaine ont décidé d’enlever la nationalité plongeant plusieurs dizaines de milliers de congénères dans ce qu’on appelle l’apatridie c’est-à-dire sans patrie et sans nation, ou comme on dit chez nous : chiens perdus sans collier !
Nous parlons de 4 générations d’êtres humains qui sont affectés par cette décision qualifiée d’inique par le Prix Nobel de littérature 2010, et l’un des plus célèbres écrivains du continent, Mario Vargas Llosa, et dont l’un des livres les plus à succès concerne le terrible dictateur dominicain Rafael Leonidas Trujillo (La Fête au bouc). Celui-là même qui a provoqué l’assassinat de plusieurs milliers d’Haïtiens à la frontière entre les deux pays en 1937. Injectant le venin du nazisme dans le pays voisin.
La sentence de la Cour constitutionnelle dominicaine a provoqué la stupeur des principales organisations internationales et régionales : Organisation des Etats Américains/OEA, Caricom, Haut commissariat des Nations Unies etc.
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MEYER, 16 Novembre – C’est la politique haïtienne qui a donné à nos voisins dominicains l’ascendance qu’ils semblent exercer sur nous aujourd’hui jusqu’à vouloir nous traiter ouvertement avec un total mépris.
C’est donc par la politique que viendra aussi éventuellement la solution.
Sans avoir besoin de remonter jusqu’au massacre de plusieurs milliers de paysans Haïtiens (30,000 selon certaines sources) d’ordre du dictateur dominicain Rafael Leonidas Trujillo mais accompli avec l’assurance que, par la corruption, il pouvait avoir la classe politique haïtienne dans sa poche (voir en annexe correspondance avec un proche du candidat aux présidentielles de 1957, le sénateur Louis Déjoie).
Mais fort aussi de l’indifférence des grandes puissances vis à vis de cette petite nation nègre. L’année où eut lieu le massacre des Haïtiens par Trujillo, 1937, fut aussi celui du début de l’Holocauste, l’élimination des Juifs dans l’Allemagne nazie et les pays occupés par cette dernière, période coïncidant avec la Deuxième guerre mondiale (1937-1945). Or jusqu’à nos jours on poursuit les disciples et complices de Hitler alors que la pression internationale se contenta de contraindre Trujillo à verser des réparations financières (US$750.000) à l’Etat haïtien (dont une grande partie disparaitra, comme on devine, dans les gorges profondes de la corruption).
De 25 millions à 1,4 milliard …
Mais faut-il remonter aussi haut quand en septembre 1991, lorsqu’éclata le coup d’état militaire qui renversa le premier gouvernement du président Jean-Bertrand Aristide, nos importations de la république voisine étaient estimées à moins de US$25 millions.
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